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Quelle est la vraie valeur de l’expérience ?

Être un jeune coach n’est pas quelque chose de simple. Tout vous rappel votre manque d’expérience.

Vous travaillez avec des coachs plus âgés que vous, vous coachez des joueurs qui pourraient être vos parents. 

Parfois vous avez le sentiment de ne pas être légitime.

La seule issue c’est d’aller de l’avant, faire le maximum pour être le meilleur de vous-mêmes. Comme si vous aviez quelque chose à prouver. 

Vous les entendez dire : “J’ai plus d’expérience que lui !”, comme si cela justifiait qu’on ne vous écoute pas. Comme si cela justifiait que ce que vous avez à dire n’a pas de valeur. 

Dans notre société, il y a un vrai paradoxe avec l’expérience.

Vous ne trouvez pas de travail car vous n’avez pas d’expérience…

Mais comment avoir de l’expérience sans travail ? 

C’est le chien qui se mord la queue. 

C’est quoi l’expérience ?

Expérience de vie

Quand on parle d’expérience, on pense en premier lieu à une expérience de vie

Quelqu’un qui a fait l’expérience de quelque chose pourrait dire :

“J’ai déjà essayé ça il y a quelques années, ça n’avait pas marché”. 

Ou encore, 

“J’ai de l’expérience dans le football américain, ça fait plusieurs années que je pratique”. 

Dans notre langage courant, l’expérience désigne la pratique de quelque chose, de quelqu’un, épreuve de quelque chose, dont découlent un savoir, une connaissance, une habitude.

Expérience scientifique

L’expérience dans les sciences est un sujet à part entière. 

Dans les sciences, l’expérience doit servir à valider ou invalider une hypothèse. 

On part donc du principe qu’une idée est juste, jusqu’à ce qu’elle soit invalidée par l’expérience

Dans le cadre des sciences, l’expérience sert à mettre à l’épreuve une hypothèse

Retenez bien ça, c’est important pour la suite. 

La méthode scientifique

La méthode scientifique sert à créer et mettre en place des protocoles d’expérimentation qui permettent de s’assurer de la qualité d’une expérience. 

Il n’y a que des résultats

L’expérience fournit un résultat. 

Mais un résultat seul ne peut être interprété correctement. Pour ce faire, il nous faut des points de comparaison solides. 

Sans point de comparaison et sans référentiel, l’expérience n’a aucune valeur. 

Le référentiel

Lorsque vous formulez une expérience, il y a toujours un référentiel. Dans la médecine par exemple, on teste les nouveaux médicaments sur deux groupes d’individus : 

  1. X personnes malades de la maladie Y prennent le nouveau médicament
  2. X personnes malades de la maladie Y prennent un faux médicament (placebo)

On a recours à cette pratique, car l’humain à de nombreux biais psychologiques.

Certains malades peuvent se sentir mieux, ou guérir alors qu’ils ont juste ingéré un placebo. Le placebo permet donc de s’assurer de l’efficacité du médicament. 

C’est l’une des nombreuses méthodes que l’on peut utiliser pour valider ou invalider une expérience.

En effet, si le nombre de personnes soignées est similaire dans le groupe 1 et 2, on ne peut pas vraiment dire que le médicament est efficace. 

En revanche, si le groupe 1 comporte un nombre bien plus important de personnes soignées que le groupe 2, on peut dire que le médicament est efficace. 

On parlera plus en profondeur de la méthode un peu plus loin dans cet article. 

La façon d’observer l’expérience modifie le résultat

En d’autres mots, la manière dont vous allez formuler votre hypothèse et la vérifier va modifier le résultat. 

Les facteurs qui peuvent influencer les résultats sont multiples

Prenons un exemple avec le football Américain.

Mon hypothèse : Les joueurs ne viennent pas s’entrainer parce qu’ils sont feignants. 

Tant que cette hypothèse n’est pas validée ou invalidée, ce n’est qu’une hypothèse.

Il faut maintenant imaginer un protocole afin de tester cette hypothèse : 

Dans un club X, je prends la section séniore comme groupe témoin.

À chaque entrainement, je compte le nombre de joueurs qui viennent s’entrainer.

L’année suivante, je prends la même section et décide d’enlever la préparation physique en début de saison.

Résultat de l’expérience : L’année suivante, il y a une augmentation de 5% des présences aux entrainements. 

Le problème de cette expérience, c’est qu’elle ne tient pas compte de beaucoup de paramètres :

  • Est-ce que les coachs et les joueurs sont les mêmes d’une année à l’autre ? 
  • Est-ce que la météo était la même ? 
  • ect

Alors, que vaut vraiment notre expérience en tant que coach ?

C’est difficile de répondre à cette question. En réalité, il suffit de changer d’environnement pour que tout le savoir que nous avons acquis par l’expérience soit remis en question. 

Le monde change tellement vite !

Je ne parle pas que de l’évolution du savoir et de la technologie. 

Dans mon article sur la génération sacrifiée du football américain, j’évoquais que “Les enfants d’aujourd’hui ont plus en commun avec leurs paires du monde entier qu’avec les adultes de leur propre pays”.

En d’autres termes, les joueurs que nous allons coacher les prochaines saisons ont plus de points communs avec un jeune de 18 ans à l’autre bout du monde qu’avec leurs coachs.

Est-ce que ce qui à fonctionné pour nous pourra fonctionner pour eux ?

Il y a très peu de chance que tout cela ralentisse.

Si l’on observe bien, on peut voir que tout s’accélère également dans le petit monde du football Américain

Les défenses en NFL se sont métamorphosées en deux saisons, avec des changements drastiques.

Les changements sont plus soudains, radicaux et rapides que jamais.

 
Cette saison, les Rams ont joué des couvertures à deux safeties et une boîte à 5 joueurs plus de 80% des snaps sur toute la saison.

D’autre part, les Bucs ont gagné le superbowl en jouant 89% (d’après Brett Kolmann) de couverture à deux safeties.

Les saisons précédentes, la moyenne était plutôt autour de 30% de couvertures symétriques contre 70% de couverture à un seul safety

Les principes VS la méthode

Les principes et la méthode ne s’opposent pas vraiment, mais je dirais qu’on a plutôt tendance à les confondre. 

Un principe est par définition à l’origine de quelque chose, c’est la source, l’essence, la base. 

Les principes ne sont pas immuables et sont amenés à évoluer

En revanche, la méthode est un ensemble ordonné de principes, de règles, d’étapes, qui constitue un moyen pour parvenir à un résultat

Comme la méthode scientifique dont nous avons parlé plus haut. 

Exemples dans le football Américain

Un practice plan est une méthode. Le besoin de s’échauffer est un principe.

Quand j’ai rencontré Coach Larry Legault la première fois, c’était à Genève au Seahawks.

L’entraînement était structuré d’une façon complètement différente de tout ce que j’avais pu voir. 

Les joueurs avaient commencé par leurs EDD’s (Every day drills) puis au milieu de l’entraînement ils se sont échauffés avant d’aller sur un Skelly et de finir sur de la préparation physique. 

Je lui ai demandé un peu naïvement : “Mais, pourquoi faites-vous ça ?”

Pour me répondre, Coach Legault a cité Einstein : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent »

“L’homme qui saisit les principes peut choisir avec succès ses propres méthodes. L’homme qui essaie des méthodes, ignorant les principes, est sûr d’avoir des problèmes”

Nick Velasquez – Learn, Improve, Master

La méthode (practice plan) appliquée par Coach Legault est née d’un principe : Changer est la source de l’amélioration.

Probablement que l’expérience lui a permis de saisir les principes enfuis dans les méthodes… En tous cas, c’est ma théorie.

Les cycles

L’humain est très fort pour reconnaître des motifs (Pattern en Anglais), car c’est un besoin biologique essentiel. C’est ce qui nous permet de fonctionner de manière automatique.

Les motifs sont extrêmement présents dans le football et nous permettent d’établir des règles pour faciliter la lecture des joueurs, ou encore le play calling.

Dans le monde des échecs, les meilleurs joueurs sont devenus des “automates” et repère les motifs avec une précision chirurgicale

Cela leur permet d’anticiper et de toujours avoir un coup d’avance.

Les cycles sont ni plus ni moins que la répétition de motifs. 

Dans le football, les cycles sont présents partout. Le renouveau de la TAMPA 2 sous sa forme à 3 safeties est un exemple marquant.

À mon sens, savoir identifier un cycle est une compétence que l’on ne peut obtenir qu’au travers de l’expérience

Serait-ce la vraie plus-value de l’expérience ? 

Écouter et s’inspirer des Rookies

“L’idée de la prochaine génération vient rarement des générations précédentes.  C’est un rappel pour lui que de nouveaux yeux apportent souvent les meilleures idées. “

The generation Z Guide – Ryan Jenkins

Les biais de confirmation sont un vrai problème. On a tous envie de ne voir que ce qui nous donne raison

C’est difficile de mettre notre égo de côté, de prendre de la hauteur et de remettre en question ses convictions et la valeur de son expérience. 

Dans son livre Rookie Smarts : Why learning beats knowing in the new game of work Liz Wiseman nous dit :

  • Les Rookies sont deux fois plus susceptibles que les vétérans de croire qu’ils ont quelque chose à apprendre.
  • Les Rookies ont tendance à fournir des solutions plus rapides, malgré une courbe d’apprentissage plus abrupte.
  • Les Rookies sont quatre fois plus susceptibles que les vétérans de demander de l’aide.

Dans son livre, elle nous encourage à conserver un esprit de Rookie

L’idée est de prolonger cette période le plus longtemps possible. 

Elle nous dit aussi que le savoir que nous allons acquérir à plus de valeur que celui que nous possédons.

Conclusion

Sans principes, il n’y a pas d’expérience

L’expérience doit nous aider à trouver les principes cachés dans les méthodes. Je pense qu’il est primordial de ne pas rester sur nos acquis et de constamment remettre en question nos méthodes. 

Si quelque chose à toujours été fait de cette façon, c’est qu’il est temps de changer.

L’expérience n’a de la valeur que si elle est partagée

Si on suppose que l’expérience nous permet de facilement identifier des motifs et des cycles. On peut considérer que la valeur de notre expérience sera décuplée si elle est partagée

On observe ce phénomène depuis la création d’internet, qui nous permet aujourd’hui d’avoir accès à des milliers de travaux, dans toutes les thématiques.

En tant que coach, je pense que nous devons mettre un point d’honneur à partager notre expérience grâce aux nouveaux outils afin d’accélérer la progression de tout le monde. 

La remise en question comme garde-fou

Toute expérience doit être remise dans son contexte et réévaluée à chaque changement.
Cela doit nous permettre de continuellement nous assurer que l’on va dans la bonne direction. 

Comme le dit Jim Harbough

“Les entraîneurs, comme les enseignants, ont l’opportunité rare et spéciale d’avoir un impact positif sur les jeunes d’une manière qui dépasse les limites du terrain de sport”

Game Changer: L’art de la science du sport

C’est pourquoi nous remettre en question est nécessaire.

Nous devons sans cesse nous assurer que nos méthodes et nos messages épousent avec justesse tous les changements de notre monde.

Merci de m’avoir lu,

À bientôt,

Coach Charles

6 réponses sur « Quelle est la vraie valeur de l’expérience ? »

encore une fois une belle analyse de ta part et on y voit un réel travaille de recherche .
Good job comme d’habitude Charles

En effet c’est une analyse et une approche de l’expérience très juste.
L’application avec le practice plan et les cycles est très pertinente.
Good job

Super article, comme d’habitude.
J’aime beaucoup ton approche du coaching. Tu trouves toujours des sujets intéressants et tu en parles bien.
Je prends beaucoup de plaisir à lire tes articles, continue comme ça !

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